Gwennaëlle Gribaumont / Pierre Loze / Georges Meurant / Pierre-Yves Desaive
ROBIN VOKAER, LA SCULPTURE AU SERVICE DE LA MATIERE
Diplômé en arts plastiques de l’Atelier 75 à Bruxelles, Robin Vokaer effectue plusieurs voyages d’étude, notamment en Italie, à Carrare. Formé à l’école de Michel Smolders, ainsi que le souligne Danièle Gillemon, Robin Vokaer est sculpteur dans le sens le plus strict, mais aussi le plus noble, du terme. Son travail consiste avant tout en un dialogue avec la matière, ou plutôt les matières que sont la pierre, le métal et le bois, unies dans des pièces sans artifices, qui se suffisent à elles-mêmes. Ainsi son œuvre est-elle étrangère, malgré une vague parenté parfois évoquée avec le courant minimaliste, à l’idée d’installation ou d’environnement: le lieu qui accueille les sculptures, à l’exception peut-être des pièces monumentales, ne joue aucun rôle dans leur conception – une démarche très différente de celles des représentants de l’art minimal ou conceptuel. Robin Vokaer joue parfois à réaliser des photomontages de ses sculptures mises en situation dans des lieux spectaculaires, suggérant malicieusement que le décor est, finalement, interchangeable. L’une de ses premières œuvres monumentales, qui lui valut d’être en 1994 lauréat du Prix de la jeune sculpture en plein air du Musée du Sart-Tilman, témoigne déjà de cet attachement à la matière; les pièces de bois -/billes de chemin de fer qui portent encore les traces de leur usage passé)- sont assemblées tels les éléments d’une charpente en une grande forme ovoïde, à la fois instable et solidement posée sur le sol. Trois grandes pièces métalliques, enchâssées entre les différentes parties, assurent à celles-ci force et cohésion. Cet alliage du métal et du bois, auquel vient s’ajouter le petit granit, est décliné par Robin Vokaer de multiples manières. Les emboîtements, les enchâssements, les jonctions de la pierre et du bois par des queues d’aronde, sont autant de références au bâti, qui font de la Grange du Faing un lieu d’exposition idéal pour ces œuvres. Certaines pièces sont de véritables architectures imaginaires, avec leurs arches et leurs piliers, destinées peut-être à se voir réalisées dans des dimensions plus imposantes. Car l’artiste ne craint pas de se mesurer au monumental, comme en témoigne sa sculpture dans laquelle une grande pièce de bois inclinée supporte son équivalent en pierre, un équilibre que l’on pense précaire et pourtant minutieusement étudié. Ce jeu d’instabilité se retrouve dans les œuvres plus récentes, alternant cubes en petit granit et en bois qui semblent parfois tenir ensemble sans aucune intervention extérieure. Même dans cette production très minimale d’inspiration, on retrouve la référence à l’architecture, notamment dans << La ville >>, vaste assemblage de ces cubes en un réseau géométrique tridimensionnel. D’autres œuvres font d’ailleurs appel à des éléments du bâti, des briques antiques maçonnées et posées sur des socles de bois sommairement taillés – une esthétique assez éloignée de la démarche plus froide d’un Per Kirkeby, qui utilise lui aussi des éléments de construction. Enfin, si le geste du sculpteur est d’enlever la matière, Robin Vokaer s’est aussi essayé au travail inverse, reportant les formes de ses pièces en deux dimensions sur le papier, des monotypes dont la simplicité et la force renvoient directement à l’œuvre sculpté.
Pierre-Yves Desaive
2004